Victoire de l’AGEDEC contre une pratique illégale du fisc
Après la Commission cantonale de recours et le Tribunal administratif, le Tribunal fédéral a confirmé le caractère illégal du positionnement de la déduction pour double activité des couples dans le système intitulé « rabais d’impôt ».
Alors que dans le projet du 21 mars 2000, la déduction pour double activité des couples mariés, soit à l’époque quelque CHF 3’500.- (respectivement CHF 5’000.- si le revenu brut total ne dépasse pas CHF 50’000.-), était prévue en déduction des revenus des contribuables, Madame Micheline CALMY-REY, alors Conseillère d’Etat chargée des finances du canton de Genève, avait imposé durant l’été 2000 une nouvelle mouture de la LIPP-V qui introduisait un nouveau système intitulé « rabais d’impôt » dans lequel elle avait placé la déduction pour double activité.
C’est ainsi que cette déduction ne diminuait plus les retenues taxables des contribuables, mais diminuait l’impôt dû.
Cela était contraire au droit fédéral d’une part et en défaveur de l’ensemble des contribuables mariés exerçant une double activité d’autre part.
L’AGEDEC, respectivement son président, a toujours combattu cette agression des couples mariés exerçant une double activité lucrative.
C’est ainsi que nombre de contestations ont été déposées, toutes soutenues par l’AGEDEC, respectivement son président.
Jeu, set et…match
C’est ainsi que l’AGEDEC, ayant assisté l’un de ses membres dans la contestation de cette déduction mal positionnée et qui induisait un surcoût d’impôt, a obtenu une décision de la Commission cantonale de recours en matière administrative en mars 2009 qui stipulait l’illégalité de ce positionnement.
L’Administration fiscale ayant recouru contre cette décision, le Tribunal administratif, dans son arrêt du mois de février 2010, a confirmé derechef que cette déduction, comprise dans le rabais d’impôt, contrevenait aux dispositions fédérales.
Alors que la situation était claire, l’Administration fiscale a cependant voulu prolonger les débats en recourant au Tribunal fédéral.
Par arrêt du 15 novembre 2010, notre Haute Cour fédérale a confirmé les décisions des instances précédentes en déclarant le système mis en place par le canton de Genève relatif à cette déduction pour double activité des contribuables mariés comme contraire au droit fédéral et illégale dans son positionnement.
Considérants limpides
Les considérants de la décision du Tribunal fédéral montrent que la situation était, dès le départ, parfaitement limpide et que chacun pouvait se rendre compte de l’illégalité du système mis en place à l’époque par la Conseillère d’Etat CALMY-REY, qui va devenir présidente de la Confédération dans quelques jours.
L’on rappellera à cet égard que le canton de Genève avait mandaté des experts externes pour effectuer un rapport d’évaluation de la LIPP, qui avait été publié déjà en septembre 2006 et qui précisait « la prise en compte de l’activité des deux conjoints doit prendre la forme d’une déduction sur le revenu (…) elle n’a donc pas sa place dans le rabais d’impôt ».
Le Tribunal fédéral rappelle dans sa décision que:
- « les dépenses nécessaires à l’acquisition du revenu et les déductions générales sont défalquées de l’ensemble des revenus imposables. Selon la jurisprudence, cette définition des dépenses d’acquisition du revenu est claire (…) et s’impose au canton ».
- « Le principe de la primauté du droit fédéral fait (…) obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent les prescriptions du droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit (…) ».
- Et enfin « le mécanisme d’une déduction fixe appliquée au montant de l’impôt lui-même a, en revanche, été expressément écarté par le Conseil fédéral. Celui-ci considère en effet que ce système, inconnu tant de la Confédération que des cantons, ira à l’encontre des efforts entrepris en vue de l’harmonisation fiscale ».
L’affaire est donc très claire, la déduction doit être déduite des revenus taxables et non pas dans le cadre du rabais d’impôt.
100 millions de francs de perception indue
Cette question de positionnement, outre une question de principe, avait un impact fiscal évident puisqu’il concernait tous les contribuables mariés exerçant une double activité et qui de fait, comme cela a été rappelé dans les procédures judiciaires, conduisait à ce que l’Etat « engrange indûment » quelques 10 à 15 millions de francs suisses prélevés annuellement directement et exclusivement sur les couples mariés exerçant une double activité.
En d’autres termes, durant les années 2001 à 2009 (soit l’année d’introduction de ce système par Madame la Conseillère d’Etat, Micheline CALMY-REY, et l’avènement de la nouvelle loi d’imposition des personnes physiques entrée en vigueur au 1er janvier 2010 et ayant aboli le système du rabais d’impôt) ce sera donc un montant total de quelque 100 millions de francs qui aura été indûment réclamé et prélevé aux couples mariés exerçant une double activité à Genève.
C’est un très mauvais procès qui a été conduit par les chefs successifs du Département des Finances, puisque l’on savait à tout le moins dès 2006 que l’on grugeait illégitimement les couples mariés à Genève.
Les contestations des décisions de la Commission cantonale de recours et du Tribunal administratif n’ont eu d’autres visées que de maintenir le plus longtemps possible un système illégal mais rapportant chaque année quelque millions d’impôt supplémentaires.
Conséquences pour les contribuables
Certes l’ensemble des contribuables concernés a été grugé depuis l’année fiscale 2001, mais l’on ne pourra revenir en arrière que pour les taxations non entrées en force.
C’était la raison pour laquelle l’AGEDEC avait informé les couples mariés qu’ils se devaient de déposer une réclamation à l’encontre de leurs taxations du fait du mauvais positionnement de la déduction pour couples (cf. notamment les rubriques publiées dans Tout l’immobilier des 4 décembre 2006 et 28 juin 2010).
Cela étant, tous les contribuables qui recevront désormais un bordereau de taxation afférent à une année fiscale antérieure à l’année fiscale 2010 devront, à réception, si la déduction pour double activité figure encore dans le rabais d’impôt, déposer une réclamation pour obtenir une juste taxation (et bénéficier d’une réduction d’impôt complémentaire de quelque CHF 300.-).
A l’avenir
A partir de l’année fiscale 2010, toutes les taxations ne seront plus concernées par cette problématique vu l’abandon du système du rabais d’impôt.
Publié le 6 décembre 2010