Rente viagère sans valeur de rachat: Pas d’impôt sur la fortune !
Le Tribunal fédéral a mis un terme à une pratique illégale du canton de Genève qui consistait à taxer, au titre de la fortune, des rentes viagères sans valeur de rachat sur la base d’un règlement d’application de la LIPP-III.
La taxation, au titre de la fortune, du contribuable bénéficiant d’une rente viagère sans valeur de rachat a fait l’objet de taxation fluctuante ces derniers lustres.
Tout d’abord taxée, puis non taxée (l’Administration ayant abandonné cette façon de procéder notamment ensuite de l’avènement de la LHID), pour revenir taxée par l’application stricte d’un règlement de la LIPP qui prévoyait, pour déterminer la valeur en fortune d’une rente viagère, l’évaluation du capital d’un multiple de la rente annuelle; multiple dépendant de l’âge du bénéficiaire de la rente (ainsi, un contribuable âgé de 65 ans disposant d’une rente viagère de CHF 10’000.- se voyait imposer à concurrence de 12 fois la rente annuelle, soit CHF 120’000.- que la rente viagère soit, ou non, susceptible de rachat).
Contestation de cette pratique
L’AGEDEC a soutenu la procédure de contestation intentée par un contribuable taxé sur la fortune alors qu’il ne disposait que d’une rente viagère lui procurant un revenu mensuel de CHF 2’000.-, sans clause de rachat.
Le contribuable étant âgé à l’époque des faits de 54 ans, l’Administration avait multiplié le montant annuel de la rente annuelle (CHF 24’000.-) par 18 et porté ainsi la valeur capitalisée de la rente à CHF 432’000.-; montant qui avait été ajouté à la fortune imposable du contribuable.
Le contribuable ayant contesté sa taxation, s’était vu débouter par la Commission cantonale de recours, puis par le Tribunal administratif.
Ayant recouru par devant le Tribunal fédéral, celui-ci lui a donné gain de cause en annulant l’arrêt du Tribunal administratif, et en renvoyant la cause à l’Administration fiscale cantonale pour qu’elle rende une nouvelle décision de taxation sans prendre en compte la valeur capitalisée de la rente du recourant.
Les considérants du Tribunal fédéral
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé notamment:
- L’article 14 LHID, qui contient les règles d’évaluation de l’impôt sur la fortune, laisse certes une importante marge de manoeuvre aux cantons, mais toutefois cette liberté se limite cependant à l’évaluation de la fortune et ne saurait permettre d’imposer un élément qui n’entre pas dans la notion de fortune au sens de l’article 13 LHID.
- La fortune imposable au sens de l’article 13 LHID se compose de l’ensemble des actifs, pour autant qu’ils ne soient pas exonérés de l’impôt en vertu d’une disposition spéciale. Les actifs imposables comprennent en principe tous les droits appréciables en argent, à savoir ceux qui peuvent être réalisés, c’est-à-dire cédés en échange d’une contreprestation.
- L’article 13 alinéa 1 LHID prescrit donc aux cantons de soumettre à l’impôt sur la fortune tous les droits appréciables en argent tels que rappelés ci-dessus, mais seulement ceux-ci.
- Il est établi que l’assurance de rente viagère, dont bénéficiait le recourant, ne prévoyait pas de restitution de prime et n’avait pas de valeur de rachat; dès lors, il ne pouvait s’agir d’un actif faisant partie de la fortune imposable au sens de l’article 13 LHID.
Conséquence pour les contribuables
Cet arrêt fixe donc définitivement la question de la non imposition au titre de la fortune des assurances sans valeur de rachat.
Cela veut dire qu’en aucun cas un contribuable doit accepter une taxation au titre de la fortune d’une assurance sans valeur de rachat dont on aurait «estimé» une valeur en capital; quelque soit cette valeur en capital.
La seule valeur à retenir en l’espèce est une valeur de 0.
Année fiscale 2009 et antérieures
La décision du Tribunal fédéral est valable pour toutes les taxations non entrées en force.
Années fiscales à partir de 2010
Dès le 1er janvier 2010, à savoir dès la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi d’imposition des personnes physiques, c’est l’article 47 LIPP qui s’applique, lequel stipule que « sont soumises à l’impôt sur la fortune(…)seules les assurances vie et vieillesse pour leur valeur de rachat ». Partant, plus aucune imposition devrait être pratiquée sur une valeur de « fortune » visant une assurance sans valeur de rachat pour les années fiscales 2010 et suivantes.
Publié le 14 juin 2010