Projet de loi du Conseil d’Etat – Rabais pour retraités AVS

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Rabais pour retraités AVS: L’inconfortable vérité

 

Le Conseil d’Etat, dans son nouveau projet de loi d’imposition des personnes physiques, a prévu la suppression du rabais d’impôt pour rentiers AVS/AI dès lors qu’il ne constitue pas une déduction sociale, mais un prolongement de l’ancien système de déduction des rentes AVS/AI contraire au principe de l’harmonisation fiscale.

 

Rappel des faits

La loi d’harmonisation (LHID) du 14 décembre 1990 – entrée en vigueur au 1er janvier 1993 – précisait que les cantons avaient huit ans pour adapter leur loi cantonale, c’est-à-dire jusqu’au 1er janvier 2001.

La LHID prévoyait exhaustivement les déductions autorisées par les cantons, mais réservait la pleine compétence des cantons pour ajouter, à leur gré, des déductions sociales.

La loi fiscale genevoise d’alors (LCP) stipulait que les personnes disposant d’une rente AVS pouvaient bénéficier d’une réduction pouvant aller jusqu’à 50% de celle-ci.

Cette déduction ciblée sur la rente AVS était manifestement contraire à la LHID.

Le 30 septembre 1996 a été déposé au Parlement un projet de loi sur la nouvelle imposition des personnes physiques (PL 7532) lequel ne contenait plus de déduction spécifique pour les rentes AVS.

En février 1998, une commission extra-parlementaire a été chargée de procéder à une relecture de ce projet de loi.

La commission a élaboré deux variantes, pour ensuite se concentrer que sur la seule variante, compatible avec la LHID (sic).

Très curieusement, quand bien même les membres de cette commission comptaient notamment les responsables et représentants du bureau de l’égalité et de l’AVIVO, le rapport de la commission ne contenait aucune remarque ni commentaire au sujet de la suppression dans le projet de loi de la déduction afférente aux seules rentes AVS.

Il est vrai qu’à l’époque, nombre d’intervenants extérieurs avaient appelé de leur vœux certaines déductions sociales, notamment celles concernant les retraités.

Dès fin 1999, un deuxième projet de loi a été préparé sous forme d’une LIPP scindée en cinq parties, étant toutefois précisé que la cinquième partie concernant les déductions (LIPP-V) n’a été disponible que le 21 mars 2000 (PL 8202), laquelle prévoyait expressément une déduction sociale spécifique concernant «les contribuables retraités en âge de bénéficier d’une rente au sens de la loi sur l’AVS».

A cet égard, l’exposé des motifs précisait «le Conseil d’Etat entend tenir compte des frais objectifs causés par la vieillesse, non liés aux frais médicaux et ainsi non pris en compte fiscalement, par l’introduction d’une déduction sociale à l’intention des contribuables retraités. Pour tenir compte de la capacité des contribuables à faire face aux dépenses visées, le Conseil d’Etat propose que cette déduction…soit pondérée en fonction des autres revenus…pour ne plus être accordée au delà d’une certain niveau de revenu…Cette déduction, nouvelle par rapport au projet de loi LIPP 1996, entre dans le champ des déductions sociales laissées à l’appréciation des cantons par l’article 9 alinéa 4 LHID».

Dès lors, une déduction sociale pour tous les retraités à revenu modeste avait été prévue.

Durant l’été 2000, Madame Calmy-Rey, alors Conseillère d’Etat chargée du Département des finances, inventa le «rabais d’impôt» (lequel supprimait la déduction sociale des retraités en réintroduisant une déduction limitée aux seules personnes disposant d’une rente AVS et à concurrence de ladite rente) qu’elle intégra dans la dernière mouture de la loi fiscale présentée en septembre 2000 et votée «à la hussarde» par le Grand Conseil (qui ne disposait même pas lors du vote d’un tirage des barèmes d’imposition, bien que la formule ait changé avec le système du rabais d’impôt !).

Madame Calmy-Rey avait donc réinscrit dans la nouvelle loi le prolongement de l’ancien système de déduction sur les rentes AVS / AI qui était contraire à la LHID.

Dans les trente jours de la publication de la loi, le rédacteur de la présente chronique déposa un recours au Tribunal fédéral spécifiquement dirigé contre la nouvelle formulation de la déduction pour retraités (parallèlement à ceux qu’il avait déposés pour les frais médicaux et les frais d’administration de la fortune).

Madame Calmy-Rey intervint afin de faire retirer ledit recours.

Finalement et compte tenu de la promesse faite de faire en sorte de corriger l’inégalité contenue dans l’article 14 alinéa 2 LIPP-V dans le cadre des taxations à venir, le recourant confirma au Tribunal fédéral le retrait de cette procédure.

Malheureusement, la promesse donnée ne fût pas tenue.

 

L’inconfortable vérité

Alors que tout le monde souhaitait que le canton de Genève introduise, dans sa nouvelle loi fiscale, une déduction pour rentiers modestes, à l’instar de ce qui a été créé dans treize autres cantons, Madame Calmy-Rey, en proposant son «rabais d’impôt» l’avait supprimé au profit d’une déduction sectorielle limitée aux seuls titulaires d’une rente AVS et à concurrence du montant AVS perçu (cf. article 14 alinéa 2 dernière phrase LIPP-V «dans tous les cas ces montants additionnels sont limités au montant de la rente imposable»).

Ce faisant (et compte tenu du refus de tenir la promesse faite alors), l’on a grugé dès le 1er janvier 2001 les rentiers à revenu modeste qui ne percevaient pas de rente AVS ou qui n’en percevaient qu’une partielle.

 

Doit-on persister dans l’erreur ?

Et maintenant, l’on entend par ce nouveau projet de loi fiscale pénaliser l’ensemble des rentiers AVS en corrigeant dans le mauvais sens les errements de Madame Calmy-Rey.

Cela n’est pas acceptable d’autant qu’il suffirait tout simplement de réintroduire le texte du projet de LIPP-V du mois du 21 mars 2000 ou alors de supprimer la dernière phrase de l’actuel article 14 alinéa 2 LIPP-V pour faire bénéficier tous les retraités à revenu modeste d’une déduction sociale (la seule condition étant que ces retraités remplissent les conditions exigées pour bénéficier d’une rente au sens de la loi sur l’AVS, à savoir notamment que les hommes aient atteint 65 ans révolus), sauf bien évidemment à ce que la volonté de faire bénéficier d’une déduction sociale les retraités à revenu modeste ait disparu depuis 2001…

 

Publié le 6 novembre 2006

 

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