Limitation des frais déductibles de déplacement : Boîte de pandore?
LIMITATION DES FRAIS DéDUCTIBLES DE DéPLACEMENT : BoÎte de Pandore?
Lors du débat qui devra avoir lieu sur la limitation des frais de déplacement il faudra mettre en avant – au-delà des prises de positions partisanes – du danger de faire fi du principe de la capacité contributive dans le futur.
Dans le cadre d’une précédente chronique (Tout l’Immobilier – 20.07.2015) l’AGEDEC vous avait informé qu’une modification de la loi d’harmonisation des impôts directs avait eu lieu par le Parlement fédéral (dans le cadre des discussions liées au financement et à l’aménagement des infrastructures ferroviaires …), pouvant permettre, le cas échéant, une limitation des frais déductibles de déplacement.
Principe de la capacité contributive remise en cause
Dès lors que les dispositions de l’ancienne loi d’harmonisation des impôts directs stipulaient expressément « les dépenses nécessaires à l’acquisition du revenu … sont défalquées de l’ensemble des revenus imposables … », il y avait là la concrétisation du respect du principe de la capacité contributive de chacun face à l’impôt.
La modification de la LHID intervenue au 1er janvier 2016 s’est concrétisée par le rajout de la phrase suivante : « Un montant maximal peut être fixé pour les frais de déplacement nécessaires entre le domicile et le lieu de travail ». Comme d’ores et déjà dit dans la précédente chronique, les cantons pouvant conserver leur système actuel ou s’ils le souhaitent fixer à leur gré un montant maximal.
Le Canton de Genève a décidé de fixer à CHF 500.- le plafond maximum des frais de déplacement, nonobstant que l’impôt fédéral direct l’ait limité à CHF 3’000.- et que nombre de cantons aient prévu soit de conserver un système de pleine déduction soit de fixer le plafond maximal à un montant supérieur à la limite fédérale !
Les contribuables doivent pouvoir se prononcer
Par le passé, l’ancienne Constitution genevoise prévoyait que toute modification fiscale devait faire l’objet d’un referendum obligatoire c’est-à-dire que les citoyens contribuables avaient l’opportunité pour chaque modification (à la hausse ou à la baisse) de donner leur avis et ainsi ne pas admettre sans autre le diktat de tel ou tel changement législatif décidé par telle ou telle majorité politique du moment.
Dans le cadre de la nouvelle Constitution dont s’est doté le Canton de Genève, cette disposition de referendum obligatoire « fiscal » a disparu.
Il ne restait donc aux citoyens contribuables que la solution du referendum facultatif pour pouvoir exprimer leur avis.
En l’occurrence deux partis politiques ont déposé un referendum contre la loi modifiant l’imposition des personnes physiques prévoyant la limitation de la déduction des frais de déplacement, à savoir l’UDC et le PLR.
Débats à venir
Afin qu’une discussion puisse avoir lieu sur l’opportunité de limiter la déduction des frais de déplacement, d’une part, et d’autre part sur la justification de fixer cette limitation à un montant aussi insignifiant que CHF 500.- par année, il fallait obtenir 500 signatures ; c’est semble-t-il chose faite puisque l’un des partis référendaires à annoncer avoir réuni plus de 890 signatures.
Ainsi, la discussion et les débats qui devront avoir lieu pourront démontrer l’attachement des citoyens contribuables au principe de la capacité contributive qui si elle devait être battue en brèche pour les frais de déplacement le serait encore et certainement dans le futur pour toutes autres déductions auxquelles les contribuables peuvent encore avoir droit au regard de ce principe dans le cadre de l’actuelle loi d’harmonisation des impôts directs.
Sachant que l’on tentera de limiter le débat en stigmatisant les frontaliers au bénéfice du statut de quasi-résidents et en oubliant les pendulaires également gravement touchés, il conviendra d’être vigilant : les contribuables devront raisonner en terme d’atteinte à un principe applicables à l’ensemble des déductions fiscales et non pas seulement sur le seul terrain de la limitation des frais de déplacement.
Peu importe donc que cette limitation :
- puisse « rapporter » quelque 28 millions d’impôts supplémentaires
- ne « touche » que 15 à 20% des contribuables
elle est la prémisse à des atteintes visant l’ensemble des contribuables.
Ce fâcheux précédent fera sans nul doute école lors qu’il s’agira de trouver de nouvelles sources d’impôts en « saignant » encore plus les contribuables QUELS QU’ILS SOIENT !
Publiée le 04 avril 2016
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Par Maître Michel LAMBELET, Avocat – expert en fiscalité.
Tout l’immobilier, la Chronique de l’AGEDEC, (Association genevoise pour la défense du contribuable), association créée en 2005 dont les membres fondateurs ont été Monsieur et Madame LARPIN ainsi que Me LAMBELET. Formulaire d’adhésion en ligne sur : WWW.AGEDEC.CH