Le splitting genevois
Les premières taxations basées sur les déclarations 2010 vont permettre de constater l’application des nouveaux calculs d’impôt, notamment du splitting.
Dans la nouvelle loi d’imposition sur les personnes physiques entrée en vigueur au 1er janvier 2010, le calcul de l’impôt s’effectue sur la base d’un seul barème avec des dispositions spéciales pour les cas où le contribuable ne serait pas une personne unique, mais un groupe de personnes.
Il s’agit de la notion de splitting, prévue à l’article 41 qui stipule: « pour les époux vivants en ménage commun, le taux appliqué à leur revenu est celui qui correspond à 50% de ces derniers », il est précisé que cette disposition s’applique également aux contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de faits, qui font ménage commun avec leurs enfants mineurs ou majeurs ou un proche qui constituent une charge de famille et dont ils assurent pour l’essentiel l’entretien.
Rappel historique
Avant 1993, Genève connaissait deux barèmes, l’un pour les célibataires et l’autre pour les mariés, basés sur des courbes taux marginaux en escaliers et comprenant un barème à zéro puisque certains revenus étaient frappés d’un taux marginal de 0.
Après 1993 et jusqu’en 2001, Genève a connu également deux barèmes, l’un pour les célibataires et l’autre pour les mariés, mais dont les courbes des taux marginaux n’étaient plus en escaliers mais lissées par une formule mathématique faisant varier le taux marginal d’impôt pour chaque franc de revenu.
En revanche, le barème débutait dès le revenu taxable de CHF 1.- et l’on avait introduit dans les déductions sociales une réduction du revenu taxable pour que les contribuables disposent néanmoins d’une franchise d’impôt pour un certain revenu.
L’absence de taux zéro dans les courbes de taux d’imposition n’avait pas de réelle incidence pour les calculs d’impôt ordinaires, en revanche dès qu’il s’agissait d’utiliser le barème pour des taux coupés (retrait des avoirs de la prévoyance) ou pour des indemnités de départ (taux de la rente) le taux d’impôt retenu s’en trouvait plus élevé.
Lors du passage en 1993 d’une courbe des taux marginaux en escaliers à une courbe des taux marginaux lissée par le biais d’une formule mathématique, il avait été introduit le splitting, puisque le taux marginal du barème marié était basé sur le taux marginal du barème célibataire appliqué à la moitié du revenu imposable du contribuable marié.
En 2001, suite à l’invention et l’introduction par Mme Micheline CALMY-REY du système du « rabais d’impôt », la déduction pour la partie d’impôt frappée au taux 0 a été exclue du barème, pour être rejetée dans le rabais d’impôt, ce qui a eu pour conséquence de mettre à mal le système du splitting contenu dans les formules mathématiques.
En d’autres termes, le splitting réellement voulu dans les barèmes n’existait plus; « pollué » par l’aberration du système du rabais d’impôt.
En 2010, la loi genevoise a de nouveau changé et l’on a abandonné les formules mathématiques absconses et nous sommes revenus à un système de barèmes par paliers (comme avant 1993 !), le système du rabais d’impôt a été abandonné (comme avant 2001 !) et l’on a réintroduit un taux 0 pour un certain revenu taxable (comme avant 1993 !); mais en outre l’on a établi qu’un seul barème pour les calculs d’impôts étant précisé que celui-ci s’applique tel quel pour les célibataires (personnes seules), alors que pour les autres personnes (mariées, faisant ménage commun avec d’autres personnes) il s’applique avec le système dit du splitting.
C’est-à-dire pour le revenu des mariés, l’on prend le taux afférent au revenu divisé par deux pour chaque tranche considérée.
Ainsi depuis 2010, le splitting aboli en 1993 a été réintroduit et « dépollué » des aberrations du rabais d’impôt introduit en 2001.
Mécanisme du splitting
La base du mécanisme tient au fait que l’on prend pour taux d’imposition d’un contribuable marié, le taux d’imposition qui aurait été celui d’un célibataire pour un revenu de moitié.
Mathématiquement, l’on considère donc qu’un couple marié disposant d’un revenu taxable de CHF 100’000.- ne doit pas être taxé au taux de CHF 100’000.- mais à un taux correspondant à la moitié de son revenu, soit CHF 50’000.- comme si l’on attribuait la moitié du revenu à chacun des époux.
Toutefois, pour qu’il y ait une différence de taux, il faut que l’on ne soit pas dans un système avec un barème à taux unique (flat tax), mais avec un système où les taux d’imposition augmentent en fonction du revenu taxable.
L’effet du splitting dépend de la courbe des taux
Plus les taux d’imposition moyens croissent lentement par rapport à l’évolution du revenu taxable, plus l’effet du splitting se fera sentir pour les couples mariés.
A cet égard, l’on peut constater sur les tableaux ci-annexés ce phénomène.
Selon le tableau 1, pour CHF 800’000.- de revenu le taux de 11,5% (célibataire) passerait à 10% selon la courbe IFD, soit 13% de réduction (CHF 92’000.- à CHF 80’000.- d’impôt) et selon la courbe genevoise, le taux de 30,5% (célibataire) passerait à 28%, soit 8% de réduction (CHF 244’000.- à CHF 224’000.- d’impôt).
Toutefois, la forme des courbes prend beaucoup plus de sens pour les revenus bien moins importants.
Ainsi, le tableau 2 montre que pour un revenu de CHF 100’000.- le contribuable célibataire paierait selon la courbe IFD CHF 3’000.- d’impôt, alors que le contribuable marié ne paierait que CHF 1’000.-, soit une réduction de 66,6%.
En revanche, au niveau du barème genevois, le contribuable célibataire s’acquitterait de CHF 20’500.- d’impôt, alors que le contribuable marié devrait s’acquitter de CHF 14’000.-, soit une réduction d’impôt que de 31%.
Cela démontre qu’à Genève, les mariés ont certes moins d’impôt à payer que les célibataires à revenu taxable égal, mais que la réduction d’imposition pour les revenus faibles à moyens est beaucoup moins sensible vu la progressivité outrancière que connaissent les barèmes genevois.
Conclusion
Avec le nouveau système mis en oeuvre dès l’année fiscale 2010, le législateur genevois n’a de fait que réintroduit un système que l’on connaissait en 1993.
A l’époque, il y avait certes deux barèmes, mais l’un dépendait de l’autre avec un taux de réduction de 50% (splitting à 50%).
Depuis 2010, nous disposons d’un seul barème qui est appliqué avec un taux de réduction de 50% par le biais du splitting.
La seule différence tient au taux zéro qui a été quelque peu amélioré (inflation oblige) entre l’année 1993 où il s’élevait à CHF 13’400.- pour s’élever à CHF 17’500.- en 2010.
En revanche, des trois tares que l’on connaissait dans les barèmes qui ont été pratiqués de 2001 à 2010, seules deux de ces tares ont été éliminées, à savoir le système du rabais d’impôt et l’abandon d’une formule mathématique absconse; la progressivité outrancière des taux marginaux connu à Genève n’a quant à elle pas été revue…
Publié le 18 avril 2011