Indexation des valeurs locatives: une obligation ou un leurre?
Indexation des valeurs locatives: obligation ou leurre ?
En début 2014, les contribuables ont été informés que pour leur déclaration fiscale 2013 leur valeur locative brute ferait l’objet d’une indexation correspondant à une augmentation de quelque 7%.
Les contribuables ont-ils à subir une augmentation et d’un tel montant ?
Chaque contribuable occupant son propre bien immobilier a reçu une communication de l’Administration fiscale cantonale selon laquelle l’ancienne valeur locative brute qui présidait à ses déclarations jusqu’à l’année fiscale 2012 ne serait plus valable pour 2013 dès lors que la nouvelle valeur locative devait être augmentée de 7,03%.
En effet, sur la base d’un taux d’indexation se déterminant compte tenu de l’évolution de la moyenne des loyers de l’ensemble des logements à loyer libre entre mai 2006 (base 100) et mai 2013, l’indice s’élevait à 111,1% et compte tenu du fait que pour la période fiscale 2009 il avait été tenu compte d’une base de 103,8%, la différence entre 103,8% et 111,1% représente une augmentation de l’indice de 7,3 points, soit une augmentation de la valeur que l’on connaissait pour l’année 2012 de 7,03% (7,3% divisé par 103,8%).
La justification de cette indexation étant stipulée comme « conformément aux informations fournies le 28 juin 2007 par notre administration (Information 5/2007) ».
Information 5/2007
L’Information du 28 juin 2007 (n°5/2007), avait été élaborée sous l’empire de l’ancienne LIPP qui était scindée en cinq lois distinctes (LIPP-I à LIPP-V).
D’ailleurs, l’on peut constater à la lecture de cette information que le principe d’indexation des valeurs locatives se fondait sur une disposition contenue dans la LIPP-V.
Toutefois, dès l’année 2010 cela ne peut plus être le cas suite à l’abandon des LIPP I à V et l’avènement de la nouvelle LIPP entrée en vigueur au 1er janvier 2010.
Nouvelle LIPP
La systématique de la LIPP entrée en vigueur au 1er janvier 2010 prévoit:
- certes un article concernant les compensations des effets de la progression à froid (article 67 LIPP alinéa 1) qui stipule que les barèmes sont adaptés chaque année en fonction de l’évolution de l’indice de renchérissement pour la période fiscale considérée,
- et une indexation quadriennale concernant les déductions forfaitairement fixées dans la LIPP (tous les quatre ans, le Conseil d’Etat adapte en fonction de l’évolution de l’indice de renchérissement pour la période fiscale considérée, les montants en francs.
Cette adaptation (indexation) ne concerne que les déductions fiscales, mais il n’est pas expressément prévu d’adaptation d’un revenu locatif telle que prévue à l’article 24 de la LIPP.
En outre, l’indice de renchérissement se fonde sur l’indice mensuel genevois des prix à la consommation.
Indexation genevoise
L’indice de renchérissement prévu pour les déductions a d’ailleurs été mis en œuvre et c’est ainsi que le règlement relatif à la compensation des effets de la progression à froid du 28 novembre 2012, entrée en vigueur au 1er janvier 2013, a fixé l’indice de renchérissement pour la période fiscale 2013 à 103,7.
En outre, l’on rappellera que dans la loi d’imposition des personnes physiques cet indice de renchérissement avait été fixé pour 2009 à 102,9 d’une part et que la première adaptation devait survenir à la période fiscale 2013 d’autre part.
A titre de comparaison, l’indice de renchérissement entre l’année 2009 et l’année 2013 est donc passé de 102,9 à 103,7 soit une augmentation de 0,8 points correspondant à une augmentation des valeurs de 2009 de 0,78% (0,8/102,9).
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a édicté un règlement d’application de la loi sur l’imposition des personnes physiques afférent à l’estimation des revenus en nature qui appelle les remarques suivantes:
- ce règlement a trait aux revenus en nature stipulés aux articles 17 à 19 LIPP et non pas 24…,
- il fait état d’un calcul de la valeur locative du logement à son article 8,
- les dispositions générales de ce règlement stipulent que les montants forfaitaires indiqués dans ledit règlement peuvent subir une indexation « dans la même mesure que les montants prévus dans les notices de l’Administration fédérale des contributions relatives à l’estimation des revenus en nature ».
Situation de l’indexation fédérale
Les modifications au niveau de l’impôt fédéral direct concernant une éventuelle indexation, soit de tenir compte de la progression à froid, ont été les suivantes pour les années:
- 2009: pas de compensation des effets de la progression (lettre-circulaire du 11 septembre 2008 IFD).
- 2010: aucune modification par rapport à l’année précédente vu le faible renchérissement (lettre-circulaire du 10 septembre 2009 IFD).
- 2011: aucune modification par rapport à l’année précédente vu le faible renchérissement (lettre-circulaire du 6 août 2010 IFD).
- 2012: aucune adaptation pour l’évaluation des revenus en nature. Parallèlement, une compensation des effets de la progression à froid, basée sur une augmentation de 0,6% (lettre-circulaire du 10 octobre 2011 IFD).
- 2013: aucune adaptation pour l’évaluation des revenus en nature et pas de compensation des effets de la progression à froid, l’indice déterminant ayant diminué de 1,1% (lette-circulaire du 6 août 2012 IFD).
Obligation ou leurre ?
Selon le texte adressé aux contribuables, il semble que l’affaire soit entendue pour le fisc, à savoir qu’il y a inéluctablement une augmentation due à l’indexation, calculée sur la base d’un indice choisi par l’Administration et correspondant à une augmentation de plus de 7% pour l’exercice fiscal 2013.
En revanche, du côté des contribuables l’affaire se présente sous un autre jour, à savoir:
- Absence de base légale dans la nouvelle LIPP visant à indexer un revenu telle la valeur locative,
- Si l’on veut, par analogie, appliquer l’indexation quadriennale prévue par la LIPP pour les déductions, l’augmentation ne se situerait pas à 7,03% mais à 0,78%, soit une augmentation neuf mois importante !
- D’autre part, si l’on respectait l’indexation pour les revenus en nature qui fait état de la valeur locative théorique pour un contribuable utilisant son propre logement dans certains cas particuliers, force serait de constater que l’augmentation au niveau IFD pour les années 2009 à 2013 s’est élevée à 0,6% en 2011 et qu’il y a eu une baisse de 1,1% en 2012 non prise en compte. Partant, au maximum il s’agirait d’une indexation à 0,6% et au minimum à 0, mais non pas à 7,03% telle qu’annoncée par l’Administration (soit une augmentation onze fois moindre).
Conclusion
Sachant que durant les années considérées il y a eu une adaptation que de 0,7% en chiffres ronds (c’est-à-dire que l’on considère que le pouvoir d’achat, s’il n’a pas été compensé par un renchérissement quelconque, a baissé de 0,7%), l’on voudrait augmenter un revenu fictif de plus de dix fois ce montant pour les propriétaires occupant leur bien immobilier !
Certes pour l’Administration il y aurait lieu de porter sur sa déclaration une nouvelle valeur locative indexée, toutefois il apparaît a priori qu’aucune base légale ne permette une telle indexation, ce d’autant plus à une telle quotité.
Par conséquent, les contribuables concernées seraient bien avisés de maintenir l’ancienne valeur locative dans leur déclaration d’impôt 2013 et d’attendre la taxation pour éventuellement déposer une réclamation, si entre-temps aucune clarification de la situation n’est intervenue.
En ce qui concerne l’AGEDEC, celle-ci a parallèlement interpellé l’Administration pour connaître la base légale d’une telle indexation à plus de 7% et entend entamer des discussions avec les milieux concernés et l’AFC pour éviter une avalanche de procédures.
Publié le 27 janvier 2014
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Par Maître Michel LAMBELET Avocat – expert en fiscalité.
Tout l’immobilier, la Chronique de l’AGEDEC, (Association genevoise pour la défense du contribuable), association créée en 2005 dont les membres fondateurs ont été Monsieur et Madame LARPIN ainsi que Me LAMBELET.
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