Aministie fiscale ou plutôt fenêtre de régularisation
Le Grand Conseil a adopté un projet de loi modifiant la loi de procédure fiscale qui sera soumis à votation au peuple en début d’année prochaine.
L’intitulé de ce projet de loi se trouve être Amnistie fiscale cantonale, mais qu’en est-il réellement ?
Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que depuis le 1er janvier 2010, certaines dispositions fédérales, contenues notamment dans la loi d’harmonisation des impôts directs, sont contraignantes pour tous les cantons suisses.
Ceux-ci devaient adapter leur législation. Genève ne l’a pas fait.
Aussi, le projet de loi (PL 10657) dont il est question se propose tout d’abord de combler les lacunes des dispositions fiscales genevoises en ce sens qu’elles ne contiennent pas encore des dispositions pourtant impératives.
Ces dispositions impératives concernaient:
- La simplification du rappel d’impôt en cas de succession
- L’introduction de la première dénonciation spontanée non punissable
En résumé, désormais et depuis le 1er janvier 2010 en Suisse, tant au niveau cantonal que fédéral, les contribuables connaîtront un rappel d’impôt simplifié pour les héritiers en ce sens que chacun des héritiers d’une succession aura droit à un rappel d’impôt sur des éléments de fortune et du revenu soustrait par le défunt, dont la quotité serait calculée sur trois périodes fiscales précédant l’année du décès et sans aucune pénalité, ni amende.
En ce qui concerne les contribuables non héritiers, ils pourront bénéficier des dispositions des déclarations spontanées comme par le passé, mais en plus lors de la première déclaration spontanée, ils n’auront pas à s’acquitter de l’amende réduite au 1/5e de l’impôt soustrait.
Il convient de rappeler qu’en cas de dénonciation spontanée, le rappel d’impôt se fait au regard des prescriptions sur 10 ans.
Mise à jour avec un petit plus
Ainsi, pour la majeure partie, le projet de loi intitulé Amnistie fiscale cantonale n’est que l’adaptation de lois d’ores et déjà entrées en vigueur dans les textes genevois.
En revanche, il y a un « petit plus » qui est intitulé Amnistie partielle, en ce sens qu’en cas de déclaration spontanée, il y aurait une réduction du montant dû au titre de rappel d’impôt et des intérêts moratoires à concurrence de 70% si la dénonciation intervient avant le 31 décembre 2011, puis de 60% si elle intervient entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013.
Fenêtre de régularisation
Toute réduction du rappel d’impôt provoquée par une dénonciation spontanée peut être qualifiée d’amnistie totale ou partielle (totale à 100% et partielle sinon).
Toutefois, en l’occurrence cette réduction du rappel d’impôt n’est pas permanente puisque pour en bénéficier il faut agir avant le 31 décembre 2013 (60% d’économie) ou avant le 31 décembre 2011 (70% d’économie).
Dès le 1er janvier 2014, il n’y aura plus aucune réduction. De fait, il s’agit plus d’une fenêtre de régularisation, que d’une réelle amnistie partielle permanente.
Pourquoi une fenêtre de régularisation ?
Indépendamment de ce qu’il se passe dans les autres pays et indépendamment du souci de nos autorités/édiles d’augmenter les recettes fiscales de l’avenir, il n’en demeure pas moins que les temps ont changé.
L’auteur de la présente chronique le dit depuis plusieurs lustres, petit à petit les choses ont diamétralement changé quant à la perception que l’on a du contribuable indélicat.
D’un statut de Robin des bois ou d’un statut de légitime défense par rapport à des impôts outranciers, il glisse petit à petit vers un statut d’amoralité, voire criminel.
Les Etats-Unis ont fait de la fraude fiscale un véritable crime, mais nous n’en sommes pas encore là, toutefois il n’en demeure pas moins que la conception de fraude à l’Etat se transforme dans l’acception populaire en une fraude des citoyens.
En effet, qu’est-ce donc que l’Etat sinon l’addition des contributions personnelles des citoyens.
En d’autres termes, en fraudant, le fraudeur agit non pas contre une entité virtuelle que serait l’Etat, mais contre des entités bien plus physiques que sont ses concitoyens.
Métaphoriquement, frauder est exactement la même chose que d’aller au restaurant avec des amis et de partir sans payer, ce n’est pas le restaurateur (Etat) qui perdra quelque chose, mais bien les amis qui seront restés et qui devront s’acquitter de la facture totale.
Sachant que les choses vont dans l’avenir continuer de changer «à cause de Bill Gates», à savoir la puissance de plus en plus accrue des ordinateurs qui permettent l’établissement des banques de données de plus en plus efficaces, les citoyens qui se croient à l’abri en fraudant vont certainement déchanter.
C’est donc le moment de saisir cette fenêtre de régularisation pour prendre la mesure des changements qui se sont opérés et régulariser une situation, qui le plus souvent, n’est que l’héritage de vieilles (mauvaises) habitudes, dont la correction se trouve être, sans cette fenêtre de régularisation, onéreuse.
En dernier lieu, l’on rappellera que la Suisse connaît les dispositions les plus drastiques d’Europe, sinon du monde, en ce qui concerne la fraude fiscale, puisque dans les autres pays un fraudeur se verra privé de 60% à 80% du revenu soustrait, alors qu’en Suisse la punition peut aller bien au-delà du 100% du montant soustrait; l’amende pouvant atteindre 3 fois le montant de l’impôt soustrait en plus du paiement par contribuable de l’impôt soustrait (pour un impôt moyen fédéral et cantonal de quelque 30%, cela représente 120% de la somme non déclarée compte non tenu des intérêts).
Conclusion
Permettre, lors de la votation qui va venir, de créer cette fenêtre de régularisation semble être bénéfique à tout le monde en ce sens que ceux qui ont été indélicats devront saisir l’opportunité qui leur est offerte de régulariser leur situation et pour les autres, ils auront offert ainsi la possibilité aux fraudeurs de cesser de se conforter dans leurs mauvaises habitudes qui, somme toute, sont coûteuses pour les contribuables respectant scrupuleusement les dispositions fiscales, puisqu’elles retardent de légitimes réductions d’impôts.
Mais après 2014, le contribuable indélicat qui n’aura pas saisi la fenêtre de régularisation, ne pourra plus prétendre qu’il a été empêché par le système de régler sa situation (car c’est toujours à l’insu de son plein gré qu’il a commis lesdites fraudes…).
Publié le 11 octobre 2010